Billet de la Vice-présidente de la FIPF, Mme Doina Spita

Pour renforcer les échanges avec les Président(e)s d'association, la direction de la FIPF a décidé que chaque mois l'un de ses membres (le Président Jean-Marc Defays et les deux Vice-présidentes, Cynthia Eid et Doina Spita) adresserait un "billet" sur l'actualité de la Fédération ou sur des questions plus générales concernant la langue française et son enseignement. Après le premier billet de février sur la réunion des instances de la FIPF, écrit par Jean-Marc Defays, nous vous prions de bien trouver ci-dessous le "billet" de mars, de la Vice-présidente Doina Spita.


Inventé, semble-t-il, par le géographe Onésime Reclus (1837-1916), qui a eu l’idée d’abandonner les critères des ouvrages traditionnels et de classer les habitants de la planète en fonction de la langue qu’ils parlaient dans leurs familles et dans les relations sociales, le mot « francophonie » réapparaît en novembre 1962, date à laquelle fut publié un numéro spécial de la revue Esprit, intitulé « Le Français dans le monde ». Le numéro rassemblait de prestigieux écrivains d’expression française, parmi lesquels le président Léopold Sédar Senghor, agrégé de grammaire et poète de langue française. C’est lui qui offrit à la notion de francophonie l’audience internationale dont elle jouit depuis. L’idée que des relations privilégiées devaient se développer entre individus parlant la même langue commença, dès lors, à faire son chemin et la francophonie s’imposa comme un symbole de la solidarité humaine, du partage et de l’échange.

C’est sur cette francophonie plurielle, riche de sa diversité, que la Fédération Internationale des Professeurs de Français entend construire son édifice. Sa force vient de la passion qui unit ses adhérents. Si l’on est ensemble c’est puisqu’on est tous des « gourmands de français ». Nous aimons nous en régaler et en extraire le plaisir : plaisir des mots, des rythmes et des tournures. Nous l’aimons parce que c’est quelque chose d’ancien et de très beau qui réussit, dès la Renaissance, à s’arracher au carcan utilitaire qui enserre les langues, pour remplacer le latin dans l’expression des formes supérieures de la pensée. Réunissant, au-delà des siècles et de l’espace, Montesquieu, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et la voix de la négritude, c’est surtout en tant que langue littéraire qu’elle s’imposa en Europe et ailleurs dans le monde… Ce trait particulier, qui a fait sa gloire, est aujourd’hui, hélas !, en train de lui nuire. Et il est de plus en plus évident que le français ne peut progresser sur le marché des langues que s’il est perçu comme un facteur de promotion sociale.

Ce que nous devons donc démontrer c’est que ce français, destiné à exprimer les détours imprévus de l’esprit, l’instantané des sensations, la petite musique enfouie dans le cœur de chaque homme, eh bien, que ce français est à même de maintenir son rayonnement. Qu’à cette demande correspond une offre de qualité à la hauteur de l’attente qu’il suscite et que cette offre est capable d’entretenir son attrait et l’intérêt du public. Les enjeux de la francophonie, il faut les présenter d’une manière pertinente. Des refrains moroses et parfois désespérés tels « le français perd du terrain face à d’autres langues », surtout à l’anglais, suggèrent un faux problème. En fait, il ne s’agit pas de « priorité ». Si l’on parle de plus en plus de « politique volontariste », il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de la volonté envieuse de s’emparer de la position occupée par l’autre, mais de la volonté ambitieuse d’occuper une place à côté des autres. Parce qu’il faut lutter contre tout impérialisme linguistique, vecteur d’uniformisation culturelle, et en faveur du plurilinguisme propre à une culture démocratique. Et parce que seul un projet culturel peut contribuer à rapprocher les hommes artificiellement éloignés par les systèmes de croissance…. Animée par la volonté d’une francophonie plus globale, plus convergente et surtout plus pragmatique, notre Fédération doit avoir sa part, forte, généreuse et dynamique, dans l’élaboration de ce qui fait l’homme d’aujourd’hui et de demain.

Dans l’esprit de la Fête roumaine du 1 er mars, je vous prie de bien vouloir accepter, chers Collègues, nos vœux de joyeux printemps, ainsi que ce porte-bonheur traditionnel, appelé Mărțișor ! Epinglé à la poitrine, il est porté tout le mois de mars avec la conviction que tous les rêves vont se réaliser. C’est ce que je vous souhaite.

Un franc succès à la fête francophone, où que vous soyez dans le monde !

Doina Spiță
Vice-présidente
Fédération Internationale des Professeurs de Français