Le billet de la vice-présidente, Doina Spiță

 

Le mentorat associatif en soutien aux jeunes enseignants

 

 

Chères Présidentes et chers Présidents,

Chères et chers Collègues,

Un enjeu que notre fédération déclarait déjà en novembre 2017 comme „pressant” est la transmission du métier et le dialogue professionnel intergénérationnel. L’enseignement de la langue française est dans une situation difficile dans de nombreux pays, là où le nombre d’élèves et d’enseignants ne cesse de diminuer et où les jeunes professeurs, découragés par la vulnérabilité de leur formation, le sentiment d’insécurité devant la classe, la précarité ou l’isolement dans les écoles où ils sont affectés, sont trop souvent, hélas !, en situation d’abandonner pendant les toutes premières années de leur carrière. La FIPF, toujours à l’écoute des signaux venant du terrain, a interprété ces constats comme de véritables déclencheurs d’alerte et a lancé en décembre 2018 un projet de soutien aux jeunes enseignants de et en français, devenu depuis un de ses projets phares. Dans ce billet mensuel du BER, je vous propose d’en faire un bilan succint.

Initié en partenariat avec le Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, le projet a été dans un premier temps incubé dans deux pays-pilotes, le Bénin et la Roumanie, puis lancé en 2020 en Tunisie et en 2021, à l’issue d’un appel à participation, au Brésil et en Suède, à laquelle se sont vite joints deux autres pays de la région: le Danemark et la Norvège. Afin d’aider les jeunes enseignants à éviter les découragements, voire même l’abandon, le projet se proposait d’appuyer les associations nationales en expérimentant des groupes de développement professionnel qui conduisent à la constitution d’un réseau numérique international de soutien aux professeurs débutants.

Pour que chaque pays devienne laboratoire et foyer d’incubation, le projet a ouvert trois axes optionnels d’action, flexibles et évolutifs, en fonction des spécificités locales : la production d’un kit d’accueil à l’intention des débutants dans la carrière ; leur mise en réseau, en présentiel et/ou à distance, pour leur montrer qu’ils font partie de la communauté enseignante et les aider à échanger avec leurs pairs ; enfin, la formation de mentors. Et il a soutenu et encouragé depuis le début la mise en place de solutions partenariales adaptées, variables d’un pays à l’autre, qui produisent des effets bénéfiques de convergence : les ministères de l’éducation nationale (en Roumanie, au Bénin, en Tunisie), l’Institut français (au Bénin et dans les pays scandinaves), les universités (au Brésil), des partenaires privés (en Roumanie et au Bénin).

Les modalités de transmission du métier sont plurielles. Comme je l’écrivais dans le Billet de janvier 2019, publié sur http://fipf.org/ : c’est une question d’empathie, certes, et elle peut se produire de manière informelle, en binôme, à travers le fluide du partage et l’émotion de la découverte, mais elle peut se produire aussi de manière formelle, à travers des programmes systématiques d’accompagnement institutionnalisé. On appelle ces programmes mentorat. Les inspecteurs scolaires, les conseillers pédagogiques en sont des acteurs. Mais est-ce synonyme de « mentor » ? Dans cette même logique, « être un bon professeur » est-il synonyme d’« être un bon mentor » ? ... Ces questions se sont avérées bien pertinentes dans la mesure où toutes les associations participant au projet ont choisi d’offrir aux professeurs expérimentés de leur réseau, désireux de « parrainer » bénévolement les collègues en début de carrière, via notre projet, des formations spécifiques : en décembre 2018 et février 2019, en Roumanie ; au Bénin, dans le contexte pandémique 2020-2021, à distance, puis, en octobre 2021, en séminaire présentiel ; enfin, les mentors scandinaves et tunisiens ont été formés d’abord à distance, à travers un cycle de travail de quatre mois sur WhatsApp, ensuite en présentiel, en novembre 2022, en marge du Congrès régional du Monde arabe.

A partir des groupes de mentors ainsi formés et suite au recensement des jeunes ayant besoin d’accompagnement, on a mis en place, dans chacun des pays, les communautés d’apprentissage professionnel. A ce jour, ces communautés comptent : au Bénin, 17 mentors et 98 mentorés ; en Roumanie, 30 mentors et 48 mentorés (enseignants débutants et futurs enseignants, actuellement étudiants); dans les trois pays scandinaves, 14 mentors et 20 mentorés ; en Tunisie, 12 mentors et 39 mentorés. Le travail se fait en binômes ou en petits groupes de 3 ou 4 ; à distance, par des échanges sur Zoom, Teams, Drupal ou WhatsApp, ou en présentiel, dans le cadre de rencontres régulières dans des espaces dédiés, comme, par exemple, le Centre d’incubation des jeunes enseignants débutants (CIJEF), au Bénin, ou les divers établissements scolaires en Roumanie, là où le règlement permet les visites de classe.

2023 va nous permettre d’encore mieux articuler l’associatif et l’international. Le concept même de « mentorat associatif » va être mieux défini. Il ne fait pas référence seulement aux adhérents devenus mentors et à leur magnifique engagement bénévole. Les mentorés bénéficiaires de notre programme seront invités à découvrir davantage la vie associative et à s’y engager. Le Brésil en est un bon exemple. Là, le soutien aux jeunes enseignants avait préoccupé les responsables associatifs bien avant leur recrutement en juin 2021. Ce travail s’est intensifié après : tables rondes et partage d’expériences associatives avec la participation de jeunes collègues ; lancement des projets Cahier de témoignages des jeunes enseignants et Cartographie des enseignants de français au Brésil.

Le sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle va petit à petit se développer. Plusieurs actions y contribueront de façon cruciale : les groupes de discussion qui seront inaugurés sur la plateforme IFProfs, réunissant tous les pays participant au projet ; la mise en place de « dispositifs d’accueil » à destination des professeurs débutants, qui incluent une cérémonie à l’occasion de la rentrée ; la production, dans les pays qui ne l’ont pas encore fait, de kits d’accueil, compilant des conseils pédagogiques et pratiques ; la production d’un livret de formation à destination des futurs mentors ; enfin, pour récompenser le bel investissement personnel dans notre projet, la FIPF offre à titre gracieux aux coordinateurs, mentors et mentorés bénéficiaires du mentorat associatif une Carte internationale du professeur de français (https://carteprof.org/).

Nos remerciements les plus chaleureux vont aux coordinatrices et coordinateurs nationaux pour leur bel engagement : Roger Koukoadinou et Anicet Megnigbeto, au Bénin ; Denise Damasco et Maria Renally, au Brésil; Elise Balmisse, au Danemark ; Solena Payderol, en Norvège ; Irina Cosovanu et Cristina Durau, en Roumanie ; Henri Houssemaine, en Suède ; Samir Marzouki, Leila Ben Sassi et Rafiaa Zrelli, en Tunisie.

 

Doina Spiță

Vice-présidente de La FIPF

Coordinatrice du Projet