Solitaires ensemble : le billet de la vice-présidente Doina SPITA

Solitaires ensemble

Chères Présidentes, chers Présidents, mes chères et chers Collègues,

J’espère que vous allez bien en cette période difficile pour tous. La crise mondiale à laquelle l’humanité est confrontée est sans aucun doute la plus grave de notre génération. Et la plus surprenante. Afin d’écarter tout risque de contamination au virus meurtrier, nous, des millions de partisans acharnés de la liberté, nous nous sommes refugiés dans les bulles d’une aseptisation sociale impérative en devenant des prisonniers volontaires. La distanciation et le confinement ont bouleversé notre quotidien. Nos baisers sont devenus des armes tandis que ne plus voir nos propres parents et nos amis est une preuve d’amour. C’est comme si on s’était endormis dans un monde et nous nous sommes réveillés dans un autre, totalement différent et étrange …

Et pourtant … Je viens de lire dans le journal du CNRS ces propos d’Edgar Morin, qui m’inspirent : ils nous rappellent qu’il faut « prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie » … L’épisode que l’on est contraints de vivre en solitaire, si inquiétant soit-il, se constitue en un test majeur de personnalité et de citoyenneté. C’est un moment d’introspection et de vérité, une chance à la redécouverte de soi, à un recalibrage de notre vie en fonction de ce qui est véritablement important ou frivole voire inutile, l’occasion de nous rappeler la valeur inouïe des petites choses simples et, au-delà de tout cela, c’est la jubilation de la solidarité : de magnifiques solidarités spontanées qui se réveillent et s’organisent en dehors ou à l’intérieur des formes de solidarité vocationnelle, comme celle de la FIPF, notre fédération.

Comment se fait décliner la solidarité associative à l’heure du coronavirus ? Une première initiative lancée dans notre réseau date de la mi-mars. Le monde de l’éducation avait un énorme défi à relever : les portes des établissements scolaires et universitaires fermaient dans beaucoup de nos pays atteints par l’épidémie et le problème qui se posait était de soutenir nos collègues à mettre en place l’enseignement du français à distance. Pour ce faire, l’équipe de la FIPF a réuni un certain nombre d’informations et d’outils extrêmement divers, allant de cours complets, à durée variable, jusqu’aux fiches pédagogiques, vidéos et questionnaires, qui se sont vite retrouvés sur notre site.  La petite « collection » a été régulièrement enrichie, selon un protocole de validation, grâce aux contributions en provenance de tous les coins du monde : 55 à ce jour, et la collecte continue. Si vous êtes intéressés, vous pouvez nous envoyer le lien et un petit descriptif de votre offre de formation à contact@fipf.org. Un énorme merci pour tout ce magnifique travail bénévole !

Une deuxième chaîne de solidarité rendue visible sur notre site appartient au réseau de nos partenaires. C’est dire à quel point on est performants et efficaces lorsqu’on est à plusieurs ! Complémentaires aussi, ce qui est important dans la situation de l’enseignement à distance bien souvent générateur de fortes inégalités. Veuillez donc observer la diversité de profil des bénéficiaires potentiels : l’Institut de la francophonie pour l’éducation et la transformation a mis à disposition des ressources éducatives numériques à destination des enseignants du primaire et du secondaire en Francophonie du Sud ; l’OIF, une offre culturelle et éducative exceptionnelle, conçue pour « à la maison » ; le Mooc « Moi professeur de français » a été mis gratuitement à la disposition des futurs enseignants par l’Université de Liège ; le Centre de Linguistique Appliquée de Besançon propose des formations en ligne, avec des modules spécifiques à l’intention de la FIPF …

Notre troisième et dernier exemple correspond à un questionnaire que le Secrétariat Général a administré la semaine dernière auprès de nos associations membres afin d’identifier les initiatives locales et nationales. Par ces temps dramatiques, le résultat a été impressionnant : 27 présidents nous ont informés de leur riches contributions. L’offre est exceptionnelle et toutes les Commissions s’y retrouvent : mini-formations à l’enseignement à distance, productions d’outils et de ressources à exploiter, bonnes pratiques en télétravail, constitution de groupes multinationaux de travail, partenariats avec les postes de TV et de radio, concours linguistiques, éveil à la lecture, préparation en ligne du DELF et DALF. Pour connaitre en détail toutes ces initiatives, vouées à démontrer non seulement l’expertise du terrain mais aussi la vitalité de la vie associative au soutien des professeurs de français en période de crise, veuillez consulter www.fipf.org.  J’avais envie de les mentionner toutes, mais le Secrétaire général vous enverra lundi la liste complète. 

L’histoire nous montre que l’évolution de la société est marquée par une succession de crises qui n’ont fait, chacune, d’une manière ou d’une autre, que faire avancer le monde. D’un certain point de vue et aussi cynique que cela puisse paraitre, j’ose affirmer que l’expérience que l’on est en train de traverser offre une opportunité. Il y a une forme particulière de satisfaction lorsqu’on réussit à découvrir de nouvelles réponses à nos anciennes questions et bon nombre de ces défis représentent des éléments d’innovation du monde de l’éducation, dont nous sommes nous les acteurs. Une fois l’orage passé, tel que Boris Cyrulnik l’écrit, à ses 82 ans, la société sera appelée à se réinventer et les traumatismes seront lourds particulièrement pour les faibles. En ce qui nous concerne, et puisque nous l’avons démontré à maintes reprises, nous réussirons à sortir plus forts de la spirale traumatique dont nous sommes encore captifs pour préparer ensemble l’avenir. Y compris celui de notre fédération.

Bien cordialement,

 

Doina Spiță

Vice-présidente de la FIPF